Attente et compromis

J'étais déjà en rendez-vous et je n'avais pas regardé le nom du suivant. Je venais de me lever et j'ouvris ma porte pour saluer mon invité.

- On se revoit dans une semaine. A bientôt.

Mon regard ballaya le petit salon qui me servait de salle d'attente et je me figeai. Que faisait ma petite soeur ici ? Je n'étais pas surprise de son changement physique, Lucas me montrait souvent des photos. Mais c'était autre chose de la voir en vrai.

- Marion ?

Je me levais, droite, sans un sourire. J'étais professionnelle.

- Madame Valmont.

Mon ton trahissait ma haine de ce nom, mais je devais rester polie et aimable. Je tendis ma main à ma soeur et attendit qu'elle l'a serre.

- J'ai pris rendez-vous, je ne ferais pas perdre de temps.

Pourquoi ma soeur avait-elle prit un rendez-vous. Je détestais qu'elle me vouvoie. Etait-ce ma faute si nous n'étions pas proche ? Dans son esprit sans doute. Hum, même dans le mien à vrai dire. Je lui serrais la main. Je ne pus m'empêchée d'être émue à ce contact, mais je ne le montrais pas.

- Entre.

Je rejoignis ma soeur. Fermais la porte dérière moi et désignais un des fauteuils.

- Assis-toi.

Je pris place moi aussi dérière mon bureau.

- Que puis-je faire pour toi ?

Je m'assis à l'endroit exact qu'elle m'avait désigné. Je cherchais comment formuler la raison de ma venue. Je croisais les jambes et tirais sur ma petite jupe courte. Puis je levais les yeux et fixais le regard de ma soeur.

- Je vais être franche avec toi. En ce moment, le climat est plutôt tendu à la maison avec Lucas.

Je levais la main pour l'empêcher de commenter, je ne voulais pas de compassion ou de conseils de grande soeur.

- Mais je comprends son point de vue et j'irai même plus loin. Je pense qu'il a raison. Il faut que je trouve un travail.

J'admirais le cran de ma soeur. C'était bien une Rockam ! Elle me fixait lorsqu'elle me parlait, elle ne voulait pas que je lui coupe la parole. J'étais fière mais je ne me permis pas de lui en faire part.

J'étais désolée qu'il y ait des tensions entre elle et Lucas. Mais bon, c'était lui qui l'avait élevé c'était normal. Mon frère ne m'en avait pas parlé.

Un travail ? J'avais du mal à comprendre en quoi cela me concernait. Me demandait-elle de l'aide ?

- Je recherche une nourrice si tu veux passer un peu de temps avec ton petit neveux.

J'attends sa réaction et on pouvait dire qu'elle ne me surprenait. Je me levais d'un bond, j'étais furieuse.

- Tu te moque de moi, j'espère ? Nourrice ? Et après ça sera quoi ? Femme de ménage ? J'ai fais mes trois années d'études supérieures ! Je veux travailler au ministère. Et malheureusement c'est toi ma chef de caste.

Je croisais les bras en la fusillant du regard tout en reprenant ma place.

- Et ne me dit pas que tu n'as pas de place ! Il y a des affiches partout !

- Excuse moi, j'ignorais que tu souhaitais travailler ici.

Je ne savais pas quelles options elle avait prise en cours, je voulais être impartiale, mais aussi ne pas la décevoir. C'était peut être une chance pour nous deux.

- Tu as apporté un C.V. avec toi ?

- C'est ici qu'est ma place, comme pour le reste de ma famille. Et oui bien entendu, je t'ai apporté tout ce dont on pourrait avoir besoin.

Je sortis plusieurs parchemins que je posais sur le bureau de Romane.

Je laissais le silence s'installer entre nous le temps que j'examine le parchemin.

Je passais mon doigts sur la A2 de son examen de passage. J'étais impressionnée, elle avait eu exactement les mêmes notes que moi à l'académie. Nos options par contre étaient légérement différentes.

- Pour quel emploi postules-tu ?

Je serrais les dents. J'avais vu son geste. Je regrettais de ne pas avoir eu des A1 partout, mais c'était quand même un très bon résultats. J'avais eu les félicitations de l'académie en plus !

- Je souhaite devenir ta chef des armées.

Je levais la main avant qu'elle ne m'interrompe.

- Mais je ne souhaite pas de traitement de faveur. Je sais que je n'ai pas d'expérience. Je veux commencer en bas de l'échelle.

Sa déclaration m'avait mise à l'aise. Je ne pouvais pas confier mes armées à quelqu'un d'aussi jeune. Pourtant elle avait fait les mêmes études que moi, avait eu les mêmes résultats.
J'avais accédé à mon statut de maîtresse de caste à un âge plus jeune qu'elle ne l'était actuellement. Mes arguments n'auraient aucun effet je le savais d'avance.

C'était tout à son honneur de vouloir commencer par un emploi de base mais je savais qu'elle méritait bien mieux que cela. Il fallait que je passe du temps à réfléchir.

- Lucas est au courant ? C'est un métier dangereux.

- Tu n'as pas eu besoin de son autorisation pour faire ta vie. C'est pareil pour moi.

Bien entendu, non. Lucas n'était pas au courant. Mais c'était lui qui voulait que je trouve un emploi. J'étais persuadée qu'il voulait que je finisse serveuse ou quelque chose dans ce gout là. Cela ne me plaisait pas que Romane ne fasse pas de commentaire sur le métier que j'avais choisi. J'avais préparé tout un tas d’arguments mais elle ne voulait pas les entendre.

- Tu vis encore chez lui. Ce genre d'orientation est spécial comme tu dois le savoir. Ce n'est pas toujours évident de faire ce genre de choix seule.

Et je parlais en connaissance de cause. Tout le monde dans notre famille avait du un jour ou l'autre choisir une voie plutôt qu'une autre. J'avais espéré que cela viendrait beaucoup plus tard pour Marion.

- Mais tu as raison, tu n'es plus une enfant. Et tu as eu un excellent bulletin. Tu as déjà fait des jobs d'été ou saisonnier ?

- Je préfère n'écouter que moi. La famille peut facilement nous trahir.

Je voulais faire des efforts. Je le voulais vraiment. Mais c'était impossible. La revoir avait réouvert la blessure que je porterait pour toujours dans mon coeur.

- Je n'ai jamais travaillé. Ne te méprend pas. Ce n'est pas par feignantise. Mais je n'ai pas besoin d'argent et l'été je passais beaucoup de temps à réviser. Avoir de bonnes notes ne fait pas tout seul.

- Marion. Si tu travaille pour moi tu vas devoir me faire confiance. Peut-être pas personnellement. Mais en tant que maîtresse et que patron.

J'avais pris un ton dur. C'était une condition indiscutable. Je ne comprenais pas qu'elle postule sans cela. Concernant sa deuxième phrase, j'aurais pus lui faire remarquer qu'elle avait fini l'école depuis quelque temps mais je me tus. Je préférais attendre sa première réponse.

- Je pense que tu gères très bien notre caste. Je n'ai rien à redire sur nos conditions et notre représentation. Mais ce n'est pas pour autant que j'ai envie de cacher ce que je pense de toi personnellement. Tu as été égoïste. Tu te moque de notre famille. Je ne le mentionnerai pas devant tes employés si c'est ce que tu crains. Mais tu ne changeras jamais ce que je pense.

C'était vrai que Romane faisait de l'excellent travail et cela me faisait la détester encore plus. Pourquoi était-elle aussi juste et parfaite avec notre caste alors qu'elle était si horrible avec les siens.

Je me levais. Je ne voulais pas montrer à ma soeur ce que je pensais réélement. Si je devais rester un mur de glace pour elle et bien il en serait ainsi.

- Bien. Je t'envois un souffle dans la semaine pour t'informer si j'ai un poste qui pourrait correspondre à tes attentes. Cela te conviens ?

Je me levais à mon tour. Je me demandais pourquoi j'étais venue. Une totale perte de temps. Bien entendu, qu'elle ne voudrait pas de moi non plus au sein du présidium.

- Oui bien entendu. J'attendrais de tes nouvelles. Bonne journée Romane.

Je gardais la tête haute même si je sentais la colère monter en moi. Je repris mes affaires et je sortis du bureau.

Je refermais la porte derrière ma soeur en essayant de trouver une solution satisfaisante pour nous nous.

HJ : Super clos.